La vie de Myhalika
Comme chacun.e le sait, au début du monde, il n’y avait que les montagnes, les écluses et les canards. Dans les écluses demeuraient enfermées des pensées qu’elles libérèrent en créant un être qu’elles appelèrent Satan dans l’eau. Son coeur en fusion fit s’échapper en brumes les pensées qui s’en allèrent gagner les esprits des canards.
Ils se mirent alors à écrire des poèmes qui inspirèrent le monde pour la vie suivante. On les appelle poèmes du destin. Ils racontent la vie des premières chèvres, l’apparition des forêts et des lacs de miel blanc et de miel de blaireaux. Parmi ces chèvres il y avait Myhalika, Pica et Matéa dont l’amitié était sans faille. Elles furent les premières à trouver d’anciens poèmes du destin écrits bien avant leur naissance, cachés dans les ruisseaux et sous les rochers. Après cette découverte elles commencèrent à écrire leurs propres textes, soit le destin de la vie qu’il y aurait après elles. C’est dans la forêt du lac premier qu’elles vivaient et travaillaient ensemble durant de longues journées. Elles racontaient la naissance de différents pays, le pays de Caujac, le pays du Podlernik, l’apparition de villages, les gens qui y vivaient.
Elles firent un jour la rencontre du démon des pins sylvestres (les démons sont apparus à la mort de Satan dans l’eau, ils sont ses héritiers), qui leur apprit à déposer leurs poèmes dans les lacs de miel pour qu’ils s’échappent dans l’air à la manière des premiers écrits des canards. Elles apprirent aussi à parler aux lacs de miel, à les garder froid sous le rouge du ciel. Mais Myhalika, de son côté, avait écrit un monde à elle, à part entière, dont elle ne parla à personne. Elle ne le déposa pas dans le lac de miel, elle le gardait secrètement dans un coin du monticule de pierres qui lui servait de maison. Seuls les poèmes qu’elle avait écrits avec Pica et Matéa étaient voués à se disperser dans l’air pour inspirer le monde.
Les années passèrent et la vie des chèvres toucha à sa fin. Myhalika, Pica et Matéa déposèrent leurs derniers poèmes dans le lac premier et se séparèrent pour mener chacune de son côté le dernier voyage de leurs vies. Matéa partit vers l’ouest et sous ses pas apparurent le pays des Luzelles ; Pica prit la route du Nord et donna naissance au pays du Lubia ; Myhalika prit la route de l’Est et fit apparaître le pays de Caujac. Epuisées, elles s’allongèrent là où leur dernier pas se posa. Le lac premier, ému, les fit renaître sous forme humaine et elles se réveillèrent finalement dans le monde qu’elles avaient toutes trois créé. Elles vivaient donc de nouveau mais ne savaient pas ce qu’il était advenu des unes et des autres.
Plus tard, Myhalika se retrouva dans la vallée du Risin, au sein du temple école où elle rencontra Lola, sa compagnone avec qui elle s’installa au village de Baychon dans le pays de Caujac. C’est là qu’elles firent un jour la rencontre du démon du noyer, être étrange qui transporta Myhalika et Lola dans le monde qu’elle avait secrètement écrit dans le monde précédent. Cet événement brisa l’équilibre des poèmes du destin écrit par les trois amies et le ciel perdit sa couleur rouge. Il fallut donc que Pica et Matéa se réunissent pour écrire de nouveaux poèmes du destin afin de remédier à l’étrange chaleur qui s’installa dans les vallées et libérer Myhalika et Lola du monde secret.